La route vers les monts Golgotha nétait plus très longue. Ils marchaient sous un soleil de plomb, Groumpf transportant Rajh mourrant sur ses épaules. des cloques se formaient un peu partout sur sa peau, ses levres et le bout de ses doigts se craquelaient et du sang en suintait. Si ils avaient été sur place deux ou trois heures plus tot, l’ombre imposante de l’immensité rocheuse les aurait protégés. Mais à deux heures de l’après-midi, l’obscurité était une denrée plus rare que l’or. Groumpf étant natif de Golgotha, il guida le groupe vers l’entrée des tunnels qui parcourent le sous sol du massif, pour qu’ils puissent éviter une longue et pénible ascension. Ils rejoignirent au bout d’un quart d’heure de marche un fleuve qui semblait littéralement sortir du sol. Le doux bruissement de l’eau claire suffit à réanimer Rajh, toujours perché sur les épaules du gobelin. «De… L’eau…», prononça le vampire avec peine. Sa main presque écarlate se leva lentement, hésitante, vers le long fleuve tranquille qui s’étendait à sa vue. N’étant pas un monstre, quoi qu’on puisse en dire, Groumpf jetta un regard compatissant à son nouveau bagage et accéléra le pas vers le fleuve.
Dès lors qu’ils l’eurent atteint, Rajh poussa sur les maigres forces dont il disposait pour se laisser tomber dans l’eau limpide. Son corps s’enfonça tout entier dans l’eau, et remonta quelques secondes plus tard. Il allait déjà mieux. Quoi que. Le sourire de soulagement qu’il fit laissa place moins d’une seconde plus tard à une expression d’effroi. Il ne pouvait plus bouger. Il parvint à articuler un appel à l’aide avant de sombrer malgré lui dans les eaux pourtant si douces du Fleuve Qui Engloutit. Ce fut Al’Rod qui alla sauver le vampire, sans se presser comme si il lui importait peu que son compagnon survive. Il remonta peu après, tirant avec peine le vampire. Tous deux s’étendirent sur le rivage, Rajh parceque tout son corps était douloureux, et Al’Rod parceque son acte de secourisme l’avait positivement épuisé. Groumpf et Kossuth s’installèrent à coté d’eux pour les aider à se remettre. Alors que Kossuth distillait une douce chaleur pour sécher les corps grelottants, Groumpf se mit à raconter une histoire :
«Anciens de clan à Groumpf appeler grande pisse Fleuve Qui Engloutit. Dire que étrangers qui vont dedans se noient. Groumpf pas croire anciens. jusqu’à maintenant.
— Tu peux continuer à ne pas les croire, Groumpf, interjecta Al’Rod La raison pour laquelle le fleuve a engloutit Rajh est qu’il est beaucoup plus froid que l’air ambiant, surtout à ce moment de la journée. Le brusque changement de température a hydrocuté Rajh, voilà tout, le fleuve en lui même n’y est pour rien.
— Groumpf pas comprendre. Pourquoi Cape Noire toujours utiliser mots compliqués ?»
Al’Rod éclata de rire, suivi de Kossuth, Rajh et même Groumpf.
Quand ils furent tous de nouveau sur pieds, Groumpf reprit son rôle de guide. Il fit rouler un rocher à flan de paroi pour révéler l’entrée des tunnels de Golgotha. «Les voilà, dit-il. Les mines de Grönga. Là où Groumpf est né.» Et il s’enfonça dans les profondeurs rocheuses. À l’abris du soleil, rajh recouvrait lentement mais surement. Déjà il pouvait marcher seul et sa peau commenceait à retrouver son teint naturellement livide. Le sentier qu’il suivirent tout d’abord était grossirement taillé dans la roche, mais ils débouchèrent rapidement sur une vaste salle, qui s’étendait à perte de vue. Elle était soutenue par plus de mille colonnes de marbre poli. En haut de chaque colone, une main sculptée en or tenait des joyaux aussi divers que merveilleux, qui refletaient de mille façons la lumière, enveloppant nos compagnons dans un kaléïdoscope féerique de formes et couleurs. Tandis qu’ils restaient là à admirer béatement le spectacle qui s’offrait à eux, Groumpf expliqua qu’ils se trouvaient dans la grande salle des prières, où le clan tout entier se réunissait une fois l’an pour célébrer la naissance du Grand Puant, premier des gobelins qui vaincu les nains tyranniques qui occupaient Grönga pour donner un asile à ses fils. Le gobelin se proposa ensuite de conduire tout le monde vers l’autel pour qu’ils puissent se receuillir avant de continuer leur traversée des Saintes Montagnes. «Qui eut cru que Groumpf soit aussi pieux !» , glissa Kossuth à l’oreille d’Al’Rod au moment où ils aperçurent “l’autel” au détour d’une colonnade.
Il ne s’agissait pas en fait réellement d’un autel mais d’un puit, un simple puit en brique rouge qui contrastait fortement avec l’architecture du reste de la pièce. Une lumière rougeoyante en émanait, qui se reflétait à l’infini dans les lampes de joyaux. Groumpf expliqua brièvement que le Grand Puant vivait encore au fond de ce puit, et que sa lumière et sa chaleur protégeaint les habitants des mines des attaques naines. Effectivement, la chaleur augmentait à mesure qu’ils s’approchaient du puit et les narines de nos protagonistes furent rapidement envahis par une affreuse odeur de… Souffre. «J’ai un affreux pressentiment» , déclara Kossuth pour lui-même. Alors qu’ils ne furent plus qu’à quelques pas du puit, une imposante colonne de flammes en sortit, laissant une grande trace noire au plafond. Et l’odeur de souffre redoubla. Groumpf déclara non sans une teinte d’effroi que le Grand Puant était en colère et exigeais un sacrifice dans l’imédiat pour se calmer. Kossuth, immunisé contre les flammes, se hasarda à jetter un œil dans le puit. Quand son regard se retourna vers ses compagnons, on pouvait y lire un mélange d’horreur et d’incrédulité. «Groumpf, ce n’est pas votre ancêtre qu’il y à là dessous, articula lentement l’ange de feu. C’est un énorme dragon !».
La stupeur frappa simultanément tous les pelerins. Suivit de quoi, Groumpf exulta : cela ne pouvait être un dragon, ils s’en seraient rendus compte depuis le temps, et comment serait il arrivé là, etc. Et Al’Rod, rabat-joie, de remarquer que le jet de flamme, l’odeur de souffre, l’environnement luxueux et les sacrifices collent tout à fait à l’univers du dragon moyen. Et d’ajouter ensuite que ce qu’il fallait savoir pour la suite, était si oui ou non ils avaient l’intention de tuer ce dragon affamé qui ne leur avait (presque) rien fait. Et mis à part Rajh qui ne se pensait pas capable de trucider à mains nues un lézard de cette taille, tous étaient d’avis qu’ils trucideraient le saurien si jamais il s’avisaitd’escalader le puit, qui cela dit en passant était cinq fois plus étroit que son seul cou. En attendant cette hypotétique action, ils décidèrent encore une fois d’un commun accord de ne plus s’attarder dans la pièce, et la traversèrent donc en faisant un petit détour pour éviter de s’approcher de trop près de puit. Vu l’immensité de la salle, il aura fallu en tout une bonne demi-heure pour la traverser de bout en bout, et pour qu’ils se retrouve dans un nouveau couloir rustiquement creusé et sinueusement tracé. Au bout de ce couloir sansembranchement qui faisait des tours et détours pas forcément utiles, les voyageurs finirent par se retrouver dans une nouvelle salle tout aussi grande et magnifique que la précédente. Les murs étaient en marbre noir, veiné de jaune, et de fortes chaines, dont les maillons étaient plus grand que des hommes, pendaient accrochées à des poulies au plafond, qui descendaient jusqu’à des trous parfaitement bien taillés dans le sol.
Groumpf expliqua que sous cette salle se touvent la partie «active» des mines, actuellement exploitée, et que les minerais sont acheminés jusqu’à cet étage par l’intermédiare de ces poulies. Et il rajoute, inquiet, que normalement cette salle est en permanence grouillante de monde, de même que les mines que l’ont pouvait apercevoir au dessous, hors ils étaient les seuls présents. Pressentant que quelque chose de grave se produisait à leur insue, les braves furent d’avis de continuer leur traversée sans plus s’attarder. Ils passèrent une série apparemment interminable de couloirs et de salles, et durent même s’arreter au bout d’un moment pour se reposer et faire une petite sieste, tant le trajet était long. Ils reprirent leur chemin, mais entendirent cette fois au détour d’un passage tortueux des voix et des bruits de métal entrechoqué. Etant donné qu’il n’y avait toujours qu’un seul chemin possible par où aller, ils furent forcés d’aller en direction des bruits. Et le spectacle qui s’offrit à eux ne les enchanta pas du tout. Des hordes de gobelins se battaient contre des hordes de nains. Les cadavres s’entassaient dans les deux camps, les boules de feu des chaman et des mages de guerre éclairaient la voute cavernière et révélaient à chacun de leur passage le spectacle apocalyptique d’une des plus sanglantes bataille que le monde n’ai jamais connut.
Groumpf se jetta dans la mélée sans chercher à comprendre, en criant «mort aux nains !» (peut-être la seule phrase gramaticalement correcte qu’il n’ait jamais prononcé de sa vie).
«Et bien, remarqua Kossuth, cela faisait longtemps que nous n’avions pas eut à nous battre pour de vrai ! Regardez Groumpf, ça avait l’air de pas mal le démanger.
— Cette fois c’est différent, expliqua Al’Rod. C’est de son clan qu’il est question, de sa famille. Il ne se bat plus pour le plaisir, mais pour une cause. Et d’ailleurs, en temps que ses compagnons, nous devriions l’aider.
— Tu vas te battre Al’Rod ? demanda Kossuth perplexe.
— Autant que possible, non. Mais Rajh me protègera de toutes façons.
— Quoi ? s’écria le sus nommé, moi, te protéger ? jamais de la vie !
— Si tu as un quelconque honneur, tu le feras. D’ailleurs, pour te prouver ma confiance, je te rend ton épée». Et le voleur s’exécuta. Nul n’en croyait ses yeux : comment pouvait-il faire confiance à celui qui avait plusieurs fois tenté de le tuer ? Le vampire empoigna son arme, la soupesa comme pour vérifier si elle n’avait pas changée, et jetta un regard incrédule vers le manchot. «Tu n’as plus le choix à présent, Rajh, dit Al’Rod. Soit tu marche avec nous, soit tu le regretteras. Mais nous avons assez perdu de temps, Groumpf met sa vie en danger au moment où nous parlons; nous devrions nous depecher.»
Lors, ils se lancèrent dans la masse grouillante, tranchant et transperçant tout ce qu’ils voyaient de petit et barbu. De son coté, Groumpf avait effectué une formidable percée, mais il se retrouvait à présent cerné de toutes parts. Les coups pleuvaient, les nains étaient des adversaires redoutables. Un éclair le frappa de plein fouet, qui le fit s’écrouler. Il se releva avec peine, mais il avait laché son arme sous le choc. Une dizaine de nains le regardez avec des sourires sadiques, prets à l’achever. C’est alors qu’un «non!» catégorique se fit entendre. Il y eut un mouvement dans la foule barbue, et un vieux gobelin fut son apparition. Ce gobelin, Groumpf ne le connaissait que trop bien. C’était son père.
«Pa…Papa ?, articula Groumpf
— Oui Groumpf, Furt être papa à toi, répondit son père avec bienveillance. Venir dans bras à papa !
Groumpf éxécuta l’ordre avec une joie non dissimulée. Des larmes coulaient déjà sur ses joues.
— Mais nain capturer papa ?, finit-il par demander, inquiet.
— Non fils. Furt être nain, pas gobelin.
— Groumpf avoir oublié que papa être xizo… Chino… Schy-zo-phrè-ne… -_-’
— Pas du tout fils, Furt pas être kicho… Enfin truc ; être nain depuis que né !
— Non papa, être gobelin. Pas nain. Papa, par le Grand Puant ! Raison revenir, vite !
— Tu m’agaces, fils ! Je croyais que toi avoir changé depuis que parti il y a beaucoup de temps, mais non ! Toujours être vilain et aroguant envers Furt !
Groumpf ne se sentit plus. Il asséna un coup de poing prodigieux à son père, qui le fit tomber quelques mettres plus loin.
— Pour ça que Groumpf partit ! Papa être fou, avoir fait beaucoup mal à maman et Groumpf parceque fou, dit-il en sanglotant. Je te hais papa !
Tout en disant cela, il s’agenouillait, et frappait rageusement le sol. Son père se releva et vint le rejoindre. Il s’agenouilla aux cotés de son fils et l’encercla avec ses bras. Ce dernier fit de même et vint jucher sa tête sur le col de son père. Ils pleurèrent longuement ensemble.
Durant ce temps, Kossuth et les autres avanceaint lentement mais surement. Entre deux fracassages de crâne, Rajh aperçut une sortie non gardée, d’où sortait de temps à autre un ou deux nains. Il la fit remarquer à ses deux compères, et ils décidèrent d’y aller ensemble pour bloquer l’arrivage de pygmés. Le tunnel dans lequel il se trouvait était étroit et sinueux, aussi durent ils se mettre à la queue leu leu pour le traverser. Kossuth était devant; Al’Rod après lui et Rajh couvrait les arrières. Ils rencontrèrent plusieurs nains en chemin, qui ne firent pas long feu (à tous les sens du terme). Quant enfin ils arrivèrent à l’inévitable vaste salle qui succédait au couloir, quelle ne fut pas leur surprise en découvrant qu’il s’agissait en fait de l’antre du dragon dont ils avaient fait connaissance un peu plus tot, le Grand Puant. Celui-ci se battait contre une armée de nains, dont certains membres parvenaient de temps en temps à sauter par dessus le lézard pour rejoindre l’autre champ de bataille un peu plus loin, sauf bien sur si ils se faisaient descendre auparavant par les trois nouveaux venus, ce qui fut le cas. Entre deux trucidations de barbus, ils se concertèrent pour savoir si ils devaient partir au plus vite ou au contraire tenter de passer le dragon pour remonter le flot de nains et essayer de «couper les ponts». Et ils finirent par choisir la deuxième possibilité, et tous trois se mirent à escalader le saurien…
Alors qu’ils sanglotaient ensemble, Groumpf et Furt se retrouvèrent tous deux avec toutes sortes de lames autour de leurs cous. Furt exulta qu’il croyait qu’ils étaient amis, et un nain lui répondit qu’ils étaient très touchés de ces retrouvailles mais qu’ils devaient éradiquer la race gobeline, et leva aussitôt sa hache pour l’abattre sur le cou du vieux gobelin. Mais celui-ci sauta sur place, cogna avec son crâne un des nains qui les encerclaient, défourra son épée, un cimetère court et rouillé, avant même d’avoir reposé les pieds, et l’enfonça dans le crâne d’un troisième nain un quart de seconde avant que ces pieds ne retrouvent le sol. Profitant de l’incrédulité des nains, Groumpf se libéra à son tour, assénant autour de lui des coups de poing à en faire trembler les murs de la caverne. Dos à dos, les petits bonhommes vert éliminaient quiconque s’approchait d’eux. Les corps inanimés s’entassaient autour d’eux, et jamais leurs coups ne semblaient s’affaiblir…
Du coté de Rajh et co, on admirait le spectacle : à l’abri derrière les épaules du dragon qui ne semblait même pas s’apercevoir de leur présence, ils pouvaient observer un nain, vetu différement des autres, sans armure et avec un caleçon en métal, avec une hache dont émanait un souffle glacial grâce auquel il se protégeait du souffle du lézard, se battre seul, alors que les autres nains faisaient leur possible pour rester le moins de temps possible en compagnie du dragon, contre le Grand Puant. Les nains fuyards semblaient venir, eux, d’un étroit boyau qu’il serait aisé de boucher. Mais cela signifierait qu’ils devraient se frotter au dragon… Comme à l’accoutumé, ils se concertèrent, et arrivèrent à la conclusion que Kossuth pouvait parfaitement retenir le dragon tout le temps nécessaire tandis que les deux autres garderaient le boyau. Ils bondirent donc hors de leur cachette écailleuse, à la grande stupeur du nain, et ne perdent pas de temps pour mettre leur plan à éxécution. Quand ils furent tous en place, Al’Rod demanda au nain :
«Et toi, que fais tu ? Pourquoi n’es tu pas partis avec les autres ? Tu attendais qu’on vienne te tuer ?
— Je ne te permet pas de me parler ainsi Ducon, répondit le nain, surtout qu’aucun ne sait qui est l’autre. Puisque ce… Truc en feu nous protège de ce dragon idiot, j’ai toute liberté de mouvement pour te faire ravaler ton insolence !
— Plutôt que de faire quelque chose que tu regretterais amèrement, répliqua Rajh, réponds plutot à sa question : pourquoi restes-tu ici alors que tu aurais pu partir jusqu’au champs de bataille comme tous tes compagnons ?
— Mes compagnons ? Les autres nain ? Ce ne sont pas mes compagnons ! Je suis venu ici pour tuer ce dragon, je n’ai rien à voir avec eux… Mais vous devez vous en douter n’est-ce pas ? Parceque si vous êtes des ennemis de ces nains comme je le crois, vous ne m’auriez pas dit un mot avant de vous jetter sur moi si vous n’aviez pas un doute sur mes appartenances, hmm ?»
Ainsi parla le nain et il fut approuvé. Il avait piqué la curiosité des compagnons qui ne pouvaient pas se résoudre à le tuer avant de savoir qui il était. Et il leur promit de le leur dire si ils l’aidaient à vaincre le Grand Puant. N’ayant que ça à faire, nos héros se mirent en garde… Rajh roula jusqu’à la poitrine du reptile et y planta sa lame avant que ce dernier ne puisse réagir. Ou du moins il essaya. C’est à peine si son épée fit plier les écailles plus dures que l’acier. Kossuth se jetta aux cotés de vampire cotés juste à temps pour encaisser le jet de flamme du dragon à sa place. Le nain profita du moment d’inatention du saurien pour asséner un puissant coup dans son cou. Sa hache se couvrait de givre alors qu’elle fendait l’air, et s’enfonça profondément entre les écailles du dragon, qui poussa un cri de douleur et de rage, immédiatement suivit d’un violent coup de patte qui envoya le nabot percuter une paroi. Peu importait. Comme des mouches qui se ruent sur la confiture, Rajh, Al’Rod et Kossuth se firent un plaisir de remuer le couteau dans la plaie, au sens propre du terme. Le pygmée revint aussi à la charge et très vite le combat se transforme en curée. La hache glacée de ce dernier tranche le cuir reptilien comme un rien, et le nain est protégé par ses nouveaux compagnons de bataille. Quand enfin l’étincelle de vie s’échappa du dragon, c’est à dire au bout de presque une heure, le petit put se présenter comme se nommant Gurdil, nain certes mais qui avait suivi une éducation barbare, et tous furent extrèmement heureux qu’il s’appellassent Gurdil.
En ce qui concèrne les gobelins, la situation était loin d’être aussi bonne. Les nains continuaient à arriver en flots apparemment continus depuis un tunnel (encore et toujours) d’où perceait une vive lumière. Bien qu’ils soient capable d’abattre, à main nues s’il le faut, des dizaines de nains, Groumpf et Furt sentaient tous deux leurs forces décliner comme ils venaient à bout d’un énième adversaire. N’y tenant plus, Furt finit par déclarer à son fils : «Furt… Furt fatigué frapper». Et son fiston de répondre «Groumpf aussi». Et c’est dans cette entente cordiale que, prenant leur courage à pleines mains, ils fuirent, pour aller se cacher dans une alcôve hors d’atteinte. Bien leur en pris car, une poignée de minutes après, le flot de nain s’interrompit aussi brusquement que s’il n’avait jamais existé. Et cinq hommes firent alors leur entrée. Quatre d’entres eux étaient d’élégants et blonds jeunes hommes vetus d’une toge noire et armés d’imposantes épées à deux mains, qui semblaient souffrir du dos. Ils entouraient un personnage qui s’avérait être en fait un ange, mais dont les ailes étaient noires, tout comme ses cheveux, et qui portait une toge d’un blanc immaculé. Un mélange de profonde souffrance et d’extrème méchanceté émanait de leurs visages magnifiques. Il y eut un silence. Tout les regards s’étaient tournés vers les nouveaux venus, et tous semblaient attendre la suite. Et elle vint. L’ange déclara solennellement que désormais lui, Moon (car c’était lui) annexait Golgotha à l’empire de Kol’Gath. Gobelins et nains réagirent avec véhémence : il ne s’étaient pas battus aussi violemment pour voir un pouilleux de merde s’accaparer le butin à leur place. Ce à quoi Moon répondit en se lanceant un sort sur la foule guerrière. L’espace d’une seconde, les couleurs du monde étaient comme inversées, et quand elle reprirent leur configuration habituelle, tous les bonhommes, verts et barbus, qui n’étaient pas abrités avaient disparus, laissant place à autant de tas de cendres.
Gurdil et Co, qui venaient à l’instant de remonter le boyau qui les séparaient du champ de bataille principal, avaient assités eux aussi à l’incroyable spectacle. Pas un seul ne pouvait s’empecher de trembler de tous ses membres en repensant à la puissance apocalyptique de leur ennemi. Et si Moon n’était qu’un simple vassal de K’G, qu’ils s’étaient juré de tuer pour venger leurs amis morts, cela n’annonceait rien de bien quand au niveau du Grand Méchant lui même.
Moon et ses acolytes tournèrent le dos et repartirent avec un air dédaigneux. Quand ils furent enfin hors de vue, les survivants purent sortir de leurs cachettes pour se regrouper. Aucun n’en croyait ses yeux et oreilles. Groumpf et ses compagnons étaient loin d’arriver au bout de leur quête…